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Nouveau depart

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Saraffy's avatar
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   Sa tête reposait lourdement sur le bord de la fenêtre, tandis que son corps était avachi sur la banquette arrière. Les gouttelettes frappaient en continue la vitre sombre, pourtant, leur mélodie était étouffée par ce moteur sonore. De ce qu'elle pouvait en voir, les alentours avaient un aspect misérable, avec cette forêt dégarnie, ces sols boueux d'averses ininterrompues, ces arbres aussi secs qu'un vieux cœur. Un extérieur morne et détrempé, qui reflétait à merveille son intérieur à elle. Ce crachat était, le temps aidant, venu à bout de ses émotions déchaînées ; elle reposait à présent, lasse et fatiguée.
   L'ouragan qui l'avait emprisonnée si longtemps avait finit par l'abandonner, la laissant s'échouer sur les rives d'une réalité froide. Pour une fois du moins, cet ouragan n'avait été produit par la drogue, mais bien par ses propres erreurs et décisions. Était-ce rassurant, se savoir libérée de cette dépendance ? Le doute persistait, vu ce que cela lui avait coûté. Ce traitement l'avait laissé dans un corps en loques, avec un esprit détruit par cette épreuve. Cependant, le pire restait ce qu'elle laissait derrière : plus que de simples souvenirs. Amour nouveau, amour perdu ; qui l'aurait cru ? Il n'était pas son genre de tomber aussi bas, et pourtant, elle l'avait fait. Pour ses yeux à lui. Et comme prévu, l'abaissement de sa garde n'avait fait que la blesser, à la fin.
   Pourtant, regrettait-elle les moments passés en sa compagnie ? Elle n'y parvenait. Tout ce qu'elle pouvait en fait faire, c'était se maudire de ne pas avoir su déceler leurs sentiments réciproques plus tôt. Oh, leur séparation aurait été la même, elle n'aurait voulu rester dans cet endroit infernal pour lui – l'orphelinat était mieux. Mais, au moins auraient-ils pu en profiter plus longuement. Au moins n'auraient-ils pas été séparés lors de leur premier baiser.

   Et la pluie continuait de tomber, emportant avec elle quelques de ses souvenirs amers. La jeune fille quitta sa contemplation passive pour jeter un coup d'œil vers l'avant de la voiture. Par delà la grosse tête de son chauffeur – on ne lui avait pas fait assez confiance pour qu'elle conduise par elle-même, ça non -, la route sombre était faiblement éclairée par les deux phares. Dépassé ce périmètre de lumière, on ne distinguait pratiquement rien dans cette pénombre ; mais elle n'en avait besoin. La seule année passée hors d'ici n'avait suffit à effacer la disposition des lieux de sa mémoire. Toujours ce même chemin sinueux, toujours ces mêmes arbres enchevêtrés, toujours ce même portail d'un bronze placide. Et, tout là-haut, sur la colline, toujours cette même bâtisse, aux allures centenaires malgré son intérieur sophistiqué. Le temps avait passé, mais tout restait comme avant.

   Ses doigts pianotaient distraitement sur le rebord de cuir de la portière, tandis qu'elle replongeait dans son vécu, ses souvenirs. Sottement, Ellia avait crû pouvoir se débarrasser de son passé en s'enfuyant d'un lieu ; elle comprenait à présent que, peu importe où elle se trouvait, peu importe son état d'esprit, ses démons la rattraperaient. Se défoncer continuellement les avaient peut-être tenu à distance un temps – mais il avait fallut que ces flics pointent leur bout du nez dans leurs affaires pour tout faire échouer. Une erreur, une soirée, et leur entrepôt avait été envahit. Une erreur, une soirée, et elle s'était retrouvée dans les griffes de ceux qui la poursuivaient, perdant pour de bon le peu de liberté qu'elle avait réussit à leur arracher. Si seulement elle avait pu rester cacher quelques temps de plus, jusqu'à ses 18 ans… Mais, non, on l'avait retrouvé bien avant.
   Les souvenirs des temps suivant sa capture restaient frais dans sa mémoire, comme cette plaie incrustée dans la chaire qui refuse de guérir. Ce tribunal, où elle se devait de demeurer silencieuse alors que d'autres décidaient de son avenir à sa place. Puis, un nouveau trajet, dernier moment avant longtemps où elle avait pu voir défiler le paysage devant ses yeux. Finalement, l'Institut, imposant bloc blanc qui hanterait ses cauchemars pendant un long moment encore. Ah, et ces corridors, ces longs couloirs immaculés, ces salles emplies de matériel, pourtant vides et froides.
   L'endroit pullulait d'intervenants et d'autres pensionnaires comme elle, mais le sentiment de solitude restait. Toute cette blancheur, tout ce contrôle lui levaient le cœur; si elle avait trouvé St-So' – le centre d'accueil – étouffant, l'Institut était bien pire. On la surveillait, presque vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On lui demandait d'agir en adulte, de s'arracher à cette dépendance et d'assumer, tout en continuant de l'empêcher dans ses libertés.
   Pour la première fois dans sa vie, Ellia se tut et endura en silence, parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Oh, elle avait bien essayé la rage, les menaces, les insultes ; les coups, même. Elle jurait, sacrait, puis suppliait qu'on la laisse au moins retrouver un peu de sa précieuse drogue. Mais rien à faire. On la laissait dans sa crise, on la laissait dans ses larmes, émotions amères. On la laissait face à elle-même, sa propre ennemie. Et elle finissait par s'écrouler, vidée, l'esprit trop embrouillé pour rester consciente. Ses songes étaient obscurcis par des peurs constantes, tandis que sa réalité prenait les allures d'une illusion.

   Au moins, il avait aussi été envoyé dans cette baraque. Il ; Remy ; son ange gardien ; son protecteur à l'âme aussi brisée que la sienne. Lui seul partageait sa peine, sa colère, sa dépendance. Plus mature et réfléchi, plus attentionné à son égard que bien d'autres, il fut l'unique personne capable de lui tirer un petit sourire, voire un faible rire. Il l'alimentait, inlassablement, soufflant sur ses braises mourantes. Pourtant, malgré toute sa bonne volonté, il  ne faisait que retarder l'inévitable : Ellia dépérissait, se tuait peu à peu.
   Au fil des semaines, des mois, elle ne devint que l'ombre d'elle-même. On la voyait errer dans les couloirs, comme le fantôme qu'elle deviendrait bientôt, avec cet air hagard et ces cernes violacées. Elle longeait les murs, n'adressait la parole à personne sauf lui. La désintoxication gardait sa constance de fer, malgré les comptes rendus de plus en plus déplorables sur sa santé mentale de la part du psychologue qui l'observait. S'enfermant dans un mutisme presque total, elle devint de ces quelques internés qui voyaient leur vie se durcir par leur passage à l'Institut, au lieu de bénéficier d'une nouvelle chance. Peut-être aurait-elle pu essayer de mettre fin à ses jours, si son esprit avait été capable de pensées ordonnées plus de quelques secondes, ou si on avait moins contrôlé son être. Ou peut-être ne serait-elle restée que cette masse inerte, observatrice désintéressée d'une vie qui glissait entre ses doigts crispés.
   
   Puis, cela avait fini par changer. Étant l'une des pensionnaires les plus difficiles de l'établissement par son indifférence aux traitements, elle se fit convoquer par le directeur. Cet homme, bon malgré les apparences, avait à cœur la réhabilitation des jeunes sous sa tutelle, même si ses méthodes étaient controversées. Son air dur ne l'empêcha pas de réaliser qu'Ellia ne faisait que dépérir en silence. Il tenta de l'aider, de lui donner quelques brides de sa sagesse d'adulte, mais malgré son apparente passivité, la jeune fille ne voulu rien savoir, gardant sa rage à l'égard de l'autorité. Jouant sa dernière carte, l'homme avait contacté le juge responsable de son placement à l'Institut, afin de lui demander si un transfert était possible.
   On ne lui avait appris ce changement que quelques jours plus tôt. Ses derniers moments passés dans ce centre de redressement avaient été d'une fébrilité surprenante compte tenu du fait qu'elle retournait expressément d'où elle avait fugué. Compte tenu du fait qu'elle abandonnait derrière elle un proche ami, qui à présent lui en voulait de le faire. Il n'empêche, tout lui était préférable plutôt que rester.

   La voiture tourna dans l'allée, se garant devant la façade avant de la vieille bâtisse. Sans attendre, Ellia ouvrit la porte et débarqua du véhicule, préférant se mouiller sous la pluie plutôt que rester une minute de plus emprisonnée. Derrière elle, le chauffeur déchargeait  ses maigres possessions, mais elle ne s'en soucia pas. Toute son attention était vers le manoir, un recueil de souvenirs longtemps esquivés. D'une oreille distraite, elle entendit la voiture faire demi-tour, son devoir achevé ; elle demeurait, seule.
   Ce retour lui rappelait sa première arrivée sur les lieux. À l'époque, l'imposante bâtisse l'écrasait de sa stature ; à présent, c'était le poids de ses fantômes qui la comprimait. Même sentiment d'abandon, même situation perdue, alors que tant d'années s'étaient écoulées. Une larme lui glissa sur la joue, devant ce constat douloureux. Tout en l'essuyant d'un geste rageur, l'adolescente enfila son sac à dos détrempé et prit en main sa valise – à défaut de pouvoir le faire avec sa destinée. D'une voix emplie d'une ironie lasse, elle ne put s'empêcher de commenter :
« Re-bienvenue à la maison, pauvre fille. »
   Puis, Ellia gravit les marches et poussa la porte de son ancienne demeure.
« Nouveau départ, anciens souvenirs »
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    Texte fait pour un concours littéraire. J'savais pas qu'on avait ce genre de trucs dans ma ville, mais c'est ma prof' de fr qui ma botter le cul pour que j'y participes -- comme je voulais pas prendre un des textes poches fais dans le cadre d'exam, j'ai dû lui en pondre un nouveau \o/
    Mais pas si nouveau. C'est en fait le 10e chapitre, très très retravaillé certes, de l'histoire d'un personnage qui m'est cher, même si peut d'entre vous la connaisse : Ellia. Je m'ennuie d'elle, ne la jouant plus (et le fow' étant fermé), et puis, je me voyais mal balancer aux juges un texte sur des loups qui parlent et agissent en humain, aux couleurs fuckées avec des moeurs weirdo et des accessoires sans fin.

    J'espère bien me classer dans les 3 prem' positions, surtout qu'une bourse de 300$ est offerte (quand même pas pire, pour un concours nowhere de même). Mais ma prof' ne sait pas combien ils reçoivent de texte, mais elle dit, pas tant que ça, c'est pas super connu. Donc j'aime bien croire que j'ai mes chances, et puis, j'aime mon texte :thumbsup: Abstrait oui, surtout dans le début, peut-être pas assez précis sur son passé par moment (disons que j'ai de la misère à dévoiler ce qui s'est passé avant, comme si c'était une histoire à part entière cette nouvelle, quand moi je la connais déjà parfaitement et tout coule de source). Still. Je l'aime, ma Ellie, ma grosse dure à cuir au sourire brisé :heart:


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Text © me
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Necerti's avatar
St Jo(seph) le nom de mon école XDDD
jadore ta facon d'écrire <33